Quel est le cadre juridique du télétravail ?

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Quel est le cadre juridique du télétravail ?

Ce que dit le code du travail

Le cadre juridique du télétravail a été modifié suite aux ordonnances Travail de 2018. Les dispositions sont en net recul par rapport à ce qui prévalait depuis 2005 et à ce que nous avons obtenu dans le document signé par l’ensemble des organisations patronales et syndicales en mai 2017, « Conclusions de la concertation sur le déploiement du télétravail et du travail à distance ».

Article L. 1222-9

I.- Sans préjudice de l’application, s’il y a lieu, des dispositions du présent code protégeant les travailleurs à domicile, le télétravail désigne toute forme d’organisation du travail dans laquelle un travail qui aurait également pu être exécuté dans les locaux de l’employeur est effectué par un salarié hors de ces locaux de façon volontaire en utilisant les technologies de l’information et de la communication.
Est qualifié de télétravailleur, au sens de la présente section, tout salarié de l’entreprise qui effectue, soit dès l’embauche, soit ultérieurement, du télétravail tel que défini au premier alinéa du présent I.
Le télétravail est mis en place dans le cadre d’un accord collectif ou, à défaut, dans le cadre d’une charte élaborée par l’employeur après avis du comité social et économique (CSE), s’il existe.
En l’absence d’accord collectif ou de charte, lorsque le salarié et l’employeur conviennent de recourir au télétravail, ils formalisent leur accord par tout moyen.

Commentaire :

Autrement dit, si les syndicats refusent de signer un accord, l’employeur peut définir les modalités du télétravail seul, plus besoin de signer un accord, une charte unilatérale avec avis du CSE suffit. En outre, en l’absence d’accord ou de charte, l’employeur peut se mettre d’accord directement avec le salarié, « par tout moyen », c’est-à-dire sans même être obligé de faire un avenant au contrat de travail !

II.- L’accord collectif applicable ou, à défaut, la charte élaborée par l’employeur précise :

  1. Les conditions de passage en télétravail, en particulier en cas d’épisode de pollution mentionné à l’article L. 223-1 du code de l’environnement, et les conditions de retour à une exécution du contrat de travail sans télétravail.
  2. Les modalités d’acceptation par le salarié des conditions de mise en œuvre du télétravail.
  3. Les modalités de contrôle du temps de travail ou de régulation de la charge de travail.
  4. La détermination des plages horaires durant lesquelles l’employeur peut habituellement contacter le salarié en télétravail.
Commentaire :

Les obligations de l’employeur sont considérablement allégées :
– Il pourra se contenter de réguler la charge de travail. Absence d’obligation de décompter le temps de travail, et plus aucune garantie de paiement des heures effectuées, de respect des périodes de repos et des durées maximum de travail. Il s’agit pourtant d’une obligation prévue par les normes internationales !
– L’employeur peut définir seul les plages horaires durant lesquelles le ou la salarié-e doit être joignable.

III.-Le télétravailleur a les mêmes droits que le salarié qui exécute son travail dans les locaux de l’entreprise.
L’employeur qui refuse d’accorder le bénéfice du télétravail à un salarié qui occupe un poste éligible à un mode d’organisation en télétravail dans les conditions prévues par accord collectif ou, à défaut, par la charte, motive sa réponse.
Le refus d’accepter un poste de télétravailleur n’est pas un motif de rupture du contrat de travail.
L’accident survenu sur le lieu où est exercé le télétravail pendant l’exercice de l’activité professionnelle du télétravailleur est présumé être un accident de travail au sens de l’article L. 411-1 du code de la Sécurité sociale.

Commentaire :

c’est la seule avancée issue de l’ordonnance, elle reprend en fait ce qui, de plus en plus, était formalisé dans les accords collectifs suite à l’ANI de 2005.

Article L. 1222-10

Outre ses obligations de droit commun vis-à-vis de ses salariés, l’employeur est tenu à l’égard du salarié en télétravail :

1) D’informer le salarié de toute restriction à l’usage d’équipements ou outils informatiques ou de services de communication électronique et des sanctions en cas de non-respect de telles restrictions ;

2) De lui donner priorité pour occuper ou reprendre un poste sans télétravail qui correspond à ses qualifications et compétences professionnelles et de porter à sa connaissance la disponibilité de tout poste de cette nature ;

3) D’organiser chaque année un entretien qui porte notamment sur les conditions d’activité du salarié et sa charge de travail.

Nota bene :

Conformément à l’article 40-VII de l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, pour les salariés dont le contrat de travail conclu antérieurement à ladite ordonnance contient des stipulations relatives au télétravail, sauf refus du salarié, les stipulations et dispositions de l’accord ou de la charte mentionnés à l’article L. 1222-9 du Code du travail, issues de ladite ordonnance, se substituent, s’il y a lieu, aux clauses du contrat contraires ou incompatibles. Le salarié fait connaître son refus à l’employeur dans le délai d’un mois à compter de la date à laquelle l’accord ou la charte a été communiqué dans l’entreprise.

Commentaire :

L’employeur peut remettre en cause par accord collectif ou charte (défini unilatéralement) les clauses définissant les conditions d’exercice du télétravail pour un contrat en cours d’exécution qui est antérieur à l’ordonnance.

Article L. 1222-11

En cas de circonstances exceptionnelles, notamment de menace d’épidémie, ou en cas de force majeure, la mise en œuvre du télétravail peut être considérée comme un aménagement du poste de travail rendu nécessaire pour permettre la continuité de l’activité de l’entreprise et garantir la protection des salariés.
Commentaire : cela ne doit pas pour autant exonérer l’employeur de ses responsabilités ni constituer un prétexte pour imposer le télétravail.

En conclusion :

Les dispositions du code du travail sur le télétravail sont vraiment très insuffisantes. Nous conseillons donc durant la négociation de s’appuyer sur l’ANI de 2005 et les conclusions de la concertation sur le « Développement du télétravail et du travail à distance » de mai 2017.

Remarque importante :

En cas de conflit de normes entre l’accord de branche et la charte d’entreprise sur le télétravail (c’est-à-dire deux dispositions qui traitent de la même chose), c’est toujours l’accord de branche qui s’applique ; la charte pouvant s’appliquer que dans ses dispositions plus favorables pour les salariés. Il est donc utile de s’appuyer sur les accords de branches lorsqu’ils existent.

Le cadre juridique du télétravail dans la fonction publique

Le télétravail dans la fonction publique est possible depuis la loi du 12 mars 2012, cependant, le décret d’application n’a été publié qu’en 2016. C’est donc le décret du 11 février 2016 fixe les conditions de mise en œuvre du télétravail dans la fonction publique.

Une définition du télétravail similaire à celle du code du travail (article 2 du décret) :

Ce décret reprend la définition du télétravail fixée à l’article L.1222-9 du Code du travail, qu’il définit comme « toute forme d’organisation du travail, dans laquelle les fonctions qui auraient pu être exercées par un agent dans les locaux de son employeur sont réalisées hors de ces locaux de façon régulière et volontaire, en utilisant les technologies de l’information et de la communication. » Le décret précise que les périodes d’astreintes ne sont pas du télétravail.

Au moins deux jours par semaine sur son lieu de travail (article 3) :

Le temps de présence de l’agent sur le lieu d’affectation ne peut être inférieur à deux jours par semaine, de sorte que la quotité des fonctions pouvant être exercées sous la forme du télétravail ne peut être supérieure à trois jours par semaine. Le décret permet néanmoins d’apprécier ces quotités sur une base mensuelle.
Il est possible de déroger à ces règles, à la demande de l’agent dont l’état de santé le justifie et après avis du médecin de prévention ou du médecin du travail, pour une période de 6 mois maximum, renouvelable une fois après avis de ce médecin (article 4).

À l’initiative de l’agent… après autorisation (article 5) :

Il appartient à l’agent de demander, par écrit, à exercer ses fonctions sous la forme du télétravail, en précisant les modalités d’organisation souhaitées (jours de la semaine travaillés en télétravail et lieu(x) d’exercice). Le télétravail ne peut donc pas être imposé par l’employeur.
L’autorité, saisie d’une demande, en apprécie la compatibilité avec la nature des activités exercées et l’intérêt du service, et, lorsque le télétravail a lieu au domicile de l’agent, la conformité des installations aux spécifications techniques précisées par l’employeur.

L’autorisation est donnée pour un an maximum et peut être renouvelée par décision expresse, après entretien avec le supérieur hiérarchique direct et sur avis de ce dernier.

L’autorisation mentionne :

  • les fonctions de l’agent exercées en télétravail ;
  • le(s) lieu(x) d’exercice en télétravail ;
  • les jours de référence travaillés, d’une part, sous forme de télétravail et, d’autre part, sur site, compte tenu du cycle de travail applicable à l’agent, ainsi que les plages horaires durant lesquelles l’agent est à la disposition de son employeur et peut être joint, par référence au cycle de travail ou aux amplitudes horaires de travail habituelles ;
  • la date de prise d’effet de l’exercice des fonctions en télétravail et sa durée ;
  • le cas échéant, la période d’adaptation et sa durée, qui ne peut excéder trois mois.

La notification de l’autorisation est accompagnée d’un document d’information indiquant les conditions d’application à la situation professionnelle de l’intéressé de l’exercice des fonctions en télétravail (notamment nature et fonctionnement des dispositifs de contrôle et de comptabilisation du temps de travail ; nature des équipements mis à disposition et leurs conditions d’installation et de restitution, conditions d’utilisation, de renouvellement et de maintenance de ces équipements et de fourniture, par l’employeur, d’un service d’appui technique).
L’agent se voit également communiquer une copie des règles fixées par l’administration et un document rappelant ses droits et obligations en matière de temps de travail et d’hygiène et de sécurité.

Un refus nécessairement motivé (article 5) :

En cas de refus opposé à une demande initiale ou de renouvellement formulé par un agent exerçant des activités éligibles en application des règles internes fixées par l’employeur public, ou en cas d’interruption du télétravail à l’initiative de l’administration, l’agent doit être reçu préalablement en entretien et la décision prise par l’administration doit être motivée.
Par ailleurs, si le décret prévoit, dans cette hypothèse, la possibilité pour un agent de la fonction publique d’État de saisir la commission administrative paritaire ou la commission consultation paritaire de la décision qui lui est opposée, un tel dispositif n’a curieusement pas été prévu pour les agents de la fonction publique territoriale ou hospitalière, qui n’auront donc pas d’autre possibilité que de saisir le juge administratif.

La possibilité de mettre fin au télétravail de manière anticipée (article 5) :

Il peut ensuite être mis fin au télétravail pendant la période d’adaptation de trois mois maximum, mais un délai de prévenance d’un mois doit être respecté. Il peut également être mis fin au télétravail à tout moment (en dehors de cette période d’adaptation), sous réserve de respecter un délai de prévenance de deux mois. Cette cessation anticipée du télétravail intervient par écrit, à l’initiative de l’agent ou de l’administration, étant précisé que cette dernière peut réduire le délai de prévenance en cas de nécessité du service dûment motivée.

Prise en charge des coûts par l’employeur (article 6) :

L’article 6 du décret impose à l’employeur de prendre en charge « les coûts découlant directement de l’exercice des fonctions en télétravail, notamment le coût des matériels, logiciels, abonnements, communications et outils ainsi que de la maintenance de ceux-ci ».
À noter, cette disposition est souvent interprétée de façon très restrictive dans les arrêtés ministériels qui précisent les modalités de mise en œuvre du télétravail. Le décret est un point d’appui pour contester ces dispositions et exiger une prise en charge de l’ensemble des coûts.

Le décret précise par ailleurs que « l’agent qui exerce ses fonctions en télétravail bénéficie des mêmes droits et obligations que les autres agents. » Cela signifie donc par exemple qu’il a le même accès à la prise en charge des transports ou du déjeuner que les autres salarié·e·s quand elle existe.

Visite du CHSCT (article 11) :

Le CHSCT peut réaliser une visite sur le lieu d’exercice des fonctions en télétravail. Mais, lorsque le télétravail s’exerce au domicile de l’agent, l’accès à son domicile est subordonné à son accord dûment recueilli par écrit.

Les modalités de mise en œuvre du télétravail (articles 7 et 9) :

La mise en œuvre du télétravail doit être encadrée :

  • Dans la fonction publique d’Etat, par un arrêté dans chaque ministère concerné ;
  • Dans la fonction publique hospitalière, par une décision de l’autorité investie du pouvoir de nomination (c’est-à-dire le directeur d’hôpital) ;
  • Dans la fonction publique territoriale, par une décision de l’organe délibérant, c’est-à-dire du conseil municipal, du conseil départemental ou du conseil régional.

À chaque fois, ces décisions doivent être prises après avis du comité technique ou comité consultatif compétent.

Ces décisions doivent définir :

  • les activités éligibles au télétravail ;
  • la liste et la localisation des locaux professionnels éventuellement mis à disposition par l’administration pour l’exercice des fonctions en télétravail, le nombre de postes de travail qui y sont disponibles et leurs équipements. En effet, le télétravail peut être également organisé dans des locaux professionnels distincts de ceux de l’employeur public et du lieu d’affectation ;
  • les règles à respecter en matière de sécurité des systèmes d’information et de protection des données , de temps de travail, de sécurité et de protection de la santé ;
  • les modalités d’accès des institutions compétentes (CHSCT…) sur le lieu d’exercice du télétravail afin de s’assurer de la bonne application des règles en matière d’hygiène et de sécurité ;
  • les modalités de contrôle et de comptabilisation du temps de travail ;
  • les modalités de prise en charge, par l’employeur, des coûts découlant directement de l’exercice du télétravail, notamment ceux des matériels, logiciels, abonnements, communications et outils ainsi que de la maintenance de ceux-ci ;
  • les modalités de formation aux équipements et outils nécessaires à l’exercice du télétravail ;
  • la durée de l’autorisation si elle est inférieure à un an.

Cette délibération est prise après avis du comité technique, porté à la connaissance du CHSCT compétent.
Un bilan annuel du télétravail doit être présenté aux comités techniques et d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail compétents.

À noter :

Il convient d’être très vigilant sur ces textes, qui sont souvent en deçà du décret, par exemple sur la prise en charge par l’employeur des équipements.

Dans la fonction publique d’état, des arrêtés encadrant le télétravail ont été pris dans la quasi-totalité des ministères et notamment :

  • Directions régionales et départementales de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale : Arrêté du 8 juin 2018.
  • Agence pour l’enseignement français à l’étranger : Arrêté du 1er juin 2018.
  • Services centraux relevant des ministres chargés de l’Éducation nationale et de l’Enseignement supérieur, services déconcentrés et les établissements relevant du ministre de l’Éducation nationale : Arrêté du 6 avril 2018.
  • Services déconcentrés du ministère du Travail : Arrêté du 3 avril 2018.
  • Greffes des tribunaux administratifs et cours administratives d’appel : Arrêté du 11 décembre 2017.
  • Services du Conseil d’Etat et de la Cour nationale du droit d’asile : Arrêté du 30 novembre 2017.
  • Ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation : Arrêté du 3 novembre 2017.
  • Ministère de la Défense : Arrêté du 25 septembre 2017.
  • Ministère des Affaires étrangères : Arrêté du 7 septembre 2017.
  • Services d’Administration centrale et les établissements publics relevant des ministères des Solidarités et de la Santé, du Travail, de l’Éducation nationale, des Sports : Arrêté du 26 juin 2017.
  • Ministère de la Culture et de la Communication : Arrêté du 31 mars 2017.
  • Ministères de l’Intérieur et des Outre-mer : Arrêté du 2 mars 2017.
  • Directions départementales interministérielles : Arrêté du 26 janvier 2017.
  • Juridictions financières : Arrêté du 16 décembre 2016.
  • Services d’administration centrale et les établissements publics relevant du Premier ministre : Arrêté du 8 décembre 2016.
  • Ministère de l’Agriculture, de l’Agroalimentaire et de la Forêt : Arrêté du 2 août 2016.

Pour aller plus loin

Guide d’accompagnement de la mise en œuvre du télétravail dans la Fonction publique.

 

 

Voir les autres campagnes de l’Ugict :

C’est la lutte virale.

Le numérique autrement.

Droit à la déconnexion.

 

Cette page a été mise à jour le 25 mars 2020
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